Celle qui est passée....
Souvenir de Toussaint
Ma grand mère avait une grande capacité à assumer les petits et grands malheurs, elle tirait de sa vie une philosophie résolument optimiste... en fait, je ne l'ai jamais entendu se plaindre.
Pourtant la vie d'une immigrée italienne n'avait rien de réjouissant : Travail à l'usine le jour de 14 ans (officiellement), mariés, 7 grossesses.... la guerre, avec l'occupation, les bombardements et le départ de celle qui n'a fait que passer., un accident où une voiture la laissa avec des broches dans le corps et un claudiquement si familier. Puis plus tard, chaque cancer d'un membre de sa famille qui se termine par la même issu fatale, inexorablement, son mari, une fille, un fils, jusqu'à son propre cancer, qui l'emportera, comme les autres.
Celle qui n'a fait que passer, elle l'appelait " la petite". Combien de fois n'ai-je suivit Mémé au cimetière faire le tour les tombes. En s'approchant du petit portail arrière, juste avant de partir, on allait faire une visite à la petite.
Pas de belle dalle sur cette tombe, mais un carré de gravillons blancs, une plaque blanche, on apportait une petite plante blanche qu'on mettait prés du petit ange en décoration.
Cette enfant là, la petite, c'est la guerre, l'occupation qui lui l'a enlevée. Une maladie enfantille désormais bénigne, l’interdiction de sortir la nuit, mon grand père qui brave les interdits et qui passe le pont sur l’Isère, la peur au ventre de se faire attraper et fusiller.... C'est justifié: Ils en ont déjà vue en plein jour, des cadavres d’innocents fusillés au bord de l’Isère, sous ce fameux pont., la menace est bien réelle, mais la petite, elle est malade.
Le docteur, lui, attendra le jour, pour faire la route en sens inverse, mais il n'y a plus rien à faire, la petite n'est juste pas née au bon moment, frère et soeur l'embrassent, il faut déjà lui dire au revoir, à celle qu'on a pas eut le temps d'appeler Yvonne.